Les « killer groupies » : plongée dans la fascination morbide pour les meurtriers

14 septembre 2024

Les « killer groupies » – ces individus fascinés par les meurtriers au point de les admirer et parfois de les épouser – constituent un phénomène aussi incompréhensible qu’inquiétant. Des lettres d’amour envoyées à des criminels emprisonnés, des pages de fans créées en leur honneur, et même des mariages en prison illustrent cette obsession. Pour beaucoup, ces « killer groupies » sont une aberration. Pourtant, l’histoire regorge d’exemples réels de ce phénomène. Comment expliquer cette fascination morbide pour ceux qui ont commis l’irréparable ?

Le cas emblématique de Ted Bundy

L’un des exemples les plus marquants est celui de Ted Bundy, un tueur en série américain qui a avoué avoir assassiné au moins 30 jeunes femmes entre 1974 et 1978. Malgré la gravité de ses crimes, Bundy a attiré une foule de femmes admiratrices, certaines assistent à son procès avec des pancartes de soutien. C’est en prison qu’il rencontre Carole Ann Boone, une ancienne collègue, qui lui témoigne une loyauté sans faille. En 1980, Bundy profite d’une faille dans la loi de l’État de Floride pour l’épouser en pleine audience judiciaire. Le couple aura même un enfant. Comment une femme peut-elle tomber amoureuse et fonder une famille avec un tueur en série reconnu ? Le cas Bundy demeure l’un des exemples les plus frappants de cette fascination pour des meurtriers tristement célèbres.

Le mariage de Carole Ann Boone avec Ted Bundy illustre un phénomène courant chez les « killer groupies » : le syndrome du sauveur. Selon le Dr Katherine Ramsland, professeure de psychologie criminelle et auteure de The Human Predator, certaines personnes voient les meurtriers comme des âmes perdues qu’elles peuvent « sauver ». « Ces femmes croient qu’elles peuvent réhabiliter un meurtrier grâce à leur amour ou leur compréhension. Elles s’imaginent être celles qui peuvent changer un homme aussi monstrueux, » explique Ramsland.

Ce syndrome du sauveur n’est pas limité au cas Bundy. En 2013, une Britannique, Bronwyn Lonsdale, a épousé Richard Ramirez, surnommé « The Night Stalker », un tueur en série qui a terrorisé la Californie dans les années 1980. Ramirez a été condamné pour 13 meurtres, 5 tentatives de meurtre, 11 agressions sexuelles et 14 cambriolages. Pourtant, Lonsdale a non seulement défendu Ramirez, mais elle est aussi allée jusqu’à affirmer qu’il était innocent et mal compris, malgré les preuves accablantes. Ce type de comportement démontre une tendance chez certains à voir le meurtrier comme une figure que seule leur « amour » ou leur « compréhension » peut sauver.

Les médias et la glorification du criminel

Le rôle des médias est central dans la manière dont les « killer groupies » perçoivent ces meurtriers. Les séries télévisées, films et documentaires basés sur la vie de criminels célèbres contribuent à créer une image fascinante de ces individus. Le cas de Charles Manson, chef de la tristement célèbre « famille Manson » qui a orchestré les meurtres de Sharon Tate et de plusieurs autres personnes en 1969, est emblématique. Manson est devenu une figure iconique, presque culte, grâce à la médiatisation de son procès et des livres et films qui ont suivi. Malgré ses crimes horribles, il a continué à recevoir des lettres d’admiration tout au long de sa vie en prison.

« Les médias ont un rôle fondamental dans la création de ces ‘anti-héros’, » explique Scott Bonn, criminologue et auteur de Why We Love Serial Killers. « Ils rendent ces criminels accessibles, presque sympathiques, en explorant leur histoire personnelle et en présentant leurs failles humaines, ce qui brouille les frontières entre fascination et horreur. »

Dans certains cas, cela va même au-delà de la fascination. En 2014, Afton Elaine Burton, une femme de 26 ans, a tenté d’épouser Charles Manson, alors âgé de 80 ans. Ce mariage a été annulé après que des rumeurs aient circulé sur les véritables motivations de Burton, mais il reste l’un des nombreux exemples de cette attraction inexplicable pour les meurtriers notoires.

Un autre facteur clé qui explique le phénomène des « killer groupies » est le désir de notoriété par association. Dans une société où la célébrité est souvent perçue comme une forme de validation, même les criminels notoires deviennent des figures recherchées. Les « killer groupies » voient dans leur association avec un meurtrier célèbre une manière d’accéder à une certaine reconnaissance publique, voire de se rendre importantes dans des cercles fascinés par ces figures.

« Il y a une sorte de relation parasociale dans cette dynamique, » note Katherine Ramsland. « Les admirateurs de ces criminels construisent une relation imaginaire dans laquelle ils jouent un rôle clé, et cette projection leur donne un sentiment de proximité, d’importance dans l’histoire du criminel. » Cette quête de notoriété n’est pas nouvelle, mais elle s’amplifie avec les réseaux sociaux, où les pages de fans de meurtriers prolifèrent.

La culture des « fans » : un espace dangereux

Les réseaux sociaux ont également donné naissance à une véritable culture des « fans » de criminels. Des comptes Twitter, des groupes Facebook ou des forums Reddit dédiés à des tueurs en série comme Richard Ramirez ou Anders Breivik fleurissent régulièrement. Ces plateformes permettent aux admirateurs de se rassembler, de partager leurs pensées, et même de glorifier les actes des criminels qu’ils idolâtrent. Cela contribue non seulement à légitimer ces comportements, mais aussi à renforcer l’idée que les meurtriers peuvent devenir des figures fascinantes, voire romantiques.

La page Facebook dédiée à Dzhokhar Tsarnaev, l’un des responsables des attentats de Boston en 2013, en est un exemple frappant. Peu de temps après son arrestation, des milliers de personnes, en grande majorité des jeunes femmes, se sont mobilisées pour exprimer leur soutien. Certaines allaient même jusqu’à le qualifier de « beau », « innocent » ou « mal compris », créant ainsi une communauté en ligne unie autour de cette figure terroriste.

Cette fascination pour les meurtriers n’est pas seulement un sujet de curiosité, elle peut aussi avoir des conséquences dangereuses. Elle contribue à la glorification de criminels qui ont commis des actes atroces, occultant ainsi les souffrances des victimes et de leurs familles. « Lorsque vous glorifiez quelqu’un comme Ted Bundy, vous oubliez que derrière lui se trouvent des dizaines de victimes innocentes, » souligne Scott Bonn. « Cela envoie un message dérangeant, selon lequel la violence peut être source d’admiration, ce qui est très problématique. »

Ce phénomène des « killer groupies » illustre également une dérive sociétale dans notre consommation de la violence. Loin d’être condamnée, elle est parfois romancée ou glamourisée. Des t-shirts, des mugs et même des calendriers à l’effigie de certains tueurs en série sont vendus en ligne, ce qui témoigne d’une banalisation du mal.

En conclusion, le phénomène des « killer groupies » révèle des aspects troublants de la nature humaine, de la célébrité et de la manière dont les médias et les réseaux sociaux façonnent notre perception de la criminalité. Comprendre pourquoi certaines personnes deviennent fascinées par des meurtriers, c’est aussi questionner notre propre fascination collective pour le mal et la violence. Alors que les tueurs en série continuent de capter l’attention du grand public, il est essentiel de ne jamais perdre de vue la souffrance et la tragédie qu’ils laissent derrière eux.

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