Le bilan économique d’Emmanuel Macron : une réalité bien moins rose que les apparences

4 septembre 2024

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron s’est souvent targué d’avoir insufflé un nouvel élan à l’économie française. De la baisse du chômage à la croissance économique, en passant par la réforme du marché du travail, les arguments ne manquent pas pour défendre un bilan que ses partisans jugent positif. Cependant, à y regarder de plus près, ces succès proclamés ne résistent pas toujours à l’épreuve des faits. Derrière les chiffres flatteurs se cachent des réalités plus nuancées, voire préoccupantes, qu’il est nécessaire de mettre en lumière.

Une croissance économique limitée et fragile

La croissance économique est souvent mise en avant pour illustrer la réussite du quinquennat d’Emmanuel Macron. En 2017 et 2018, la France a connu des taux de croissance autour de 2 %, ce qui a été salué comme une performance notable après des années de stagnation. Cependant, cette période de croissance doit être replacée dans son contexte. Premièrement, cette dynamique a été largement soutenue par un environnement économique mondial favorable, marqué par une reprise économique généralisée en Europe et aux États-Unis après la crise financière de 2008.

La pandémie de COVID-19 a cependant brutalement interrompu cette trajectoire. En 2020, le PIB français a chuté de 8,3 %, une des plus fortes récessions parmi les grandes économies européennes. Les efforts de relance post-pandémie ont permis un rebond, mais celui-ci reste insuffisant pour combler entièrement les pertes accumulées. En 2023, la croissance française n’a retrouvé qu’un rythme modéré, loin de ce qui serait nécessaire pour rattraper le retard. En outre, les perspectives économiques sont assombries par des incertitudes globales, notamment en raison des tensions géopolitiques et des difficultés d’approvisionnement mondiales.

Chômage : des réformes en demi-teinte

Le chômage en France, longtemps considéré comme un problème chronique, a effectivement reculé sous le mandat de Macron, passant de 9,5 % à 7,1 % entre 2017 et 2022. Ce chiffre pourrait laisser penser que les réformes du marché du travail ont porté leurs fruits. Cependant, cette baisse du chômage doit être analysée en profondeur.

Tout d’abord, il convient de rappeler que la tendance à la baisse du chômage avait commencé avant l’arrivée au pouvoir de Macron, dans un contexte où l’économie européenne dans son ensemble voyait ses taux de chômage diminuer. De plus, la méthode de calcul du chômage peut parfois masquer une réalité plus complexe. Par exemple, le nombre de personnes en situation de sous-emploi, c’est-à-dire travaillant à temps partiel de manière involontaire, a augmenté, tout comme le nombre de personnes qui se sont retirées du marché du travail, découragées par leurs perspectives d’emploi.

La précarisation du marché du travail est un autre facteur à considérer. Les réformes du Code du travail, présentées comme un moyen de flexibiliser le marché de l’emploi, ont facilité les licenciements et encouragé l’embauche en CDD ou en intérim plutôt qu’en CDI. Si ces mesures ont permis d’améliorer les statistiques de l’emploi à court terme, elles ont également conduit à une instabilité croissante pour de nombreux travailleurs. En somme, la baisse du chômage ne s’est pas nécessairement accompagnée d’une amélioration des conditions de travail pour tous.

La dérégulation : dynamisme ou précarité ?

Dès le début de son mandat, Emmanuel Macron a entrepris une série de réformes visant à déréguler le marché du travail. Ces réformes, dont la plus emblématique est la réforme du Code du travail de 2017, ont été justifiées par la nécessité de rendre le marché du travail plus flexible et de dynamiser l’économie. Cependant, cette dérégulation a eu des effets ambivalents.

Du côté des entreprises, ces réformes ont été bien accueillies. Elles ont en effet facilité les procédures de licenciement, réduit les contraintes administratives et offert plus de souplesse pour ajuster la main-d’œuvre en fonction des besoins économiques. Pour les employeurs, ces changements ont permis de réduire les coûts liés à l’emploi et de s’adapter plus rapidement aux fluctuations du marché.

Cependant, pour les travailleurs, la réalité est bien différente. La facilitation des licenciements et l’augmentation des contrats précaires (CDD, intérim) ont accentué la précarité du travail. De nombreux salariés se retrouvent désormais dans une situation où la sécurité de l’emploi est compromise, avec une protection sociale affaiblie. La multiplication des emplois précaires a également des effets négatifs sur le moral et la productivité des travailleurs, qui doivent faire face à une incertitude permanente quant à leur avenir professionnel.

De plus, la dérégulation n’a pas généré l’effet escompté en termes de création d’emplois de qualité. Si le nombre total d’emplois a augmenté, il s’agit souvent de postes peu qualifiés et mal rémunérés, ne contribuant que marginalement à la réduction des inégalités économiques.

Les inégalités économiques en hausse

La suppression de l’Impôt sur la Fortune (ISF) est sans doute la mesure fiscale la plus emblématique du mandat de Macron. Cette décision, prise en 2018, avait pour objectif de stimuler l’investissement en France en allégeant la charge fiscale pesant sur les plus riches, supposés être les moteurs de l’économie. Cependant, cette réforme a été fortement critiquée pour ses effets redistributifs.

En effet, la suppression de l’ISF a principalement bénéficié aux ménages les plus riches, sans pour autant prouver son efficacité en matière d’investissement productif. Les études montrent que l’effet sur l’investissement a été marginal, voire nul. En revanche, cette mesure a contribué à creuser les inégalités économiques, déjà importantes en France. Le sentiment d’injustice fiscale a été l’un des facteurs déclencheurs du mouvement des Gilets jaunes, qui a exprimé un ras-le-bol face à une politique perçue comme favorisant les élites au détriment des classes moyennes et populaires.

En parallèle, d’autres réformes fiscales, comme la flat tax sur les revenus du capital, ont également favorisé les plus aisés, accentuant le fossé entre riches et pauvres. Ces choix politiques ont renforcé le sentiment d’injustice sociale et fragilisé le contrat social en France, où une part croissante de la population estime que les efforts sont inéquitablement répartis.

Une dette publique sous haute tension et un déficit qui s’envole

La gestion des finances publiques sous Macron est un autre point sensible. Malgré les promesses de réduction des dépenses publiques, la dette publique a continué de croître de manière significative. En 2023, la dette publique française dépassait les 110 % du PIB, un niveau record qui inquiète de nombreux économistes.

Cette augmentation de la dette est en partie due aux mesures de soutien mises en place pendant la crise de la COVID-19, notamment les dispositifs de chômage partiel, les aides aux entreprises, et les plans de relance. Si ces mesures étaient nécessaires pour éviter un effondrement économique, elles ont eu pour conséquence d’alourdir considérablement la dette du pays.

En outre, le déficit public pourrait atteindre 5,6 % du PIB en 2024, bien au-delà des prévisions à 5,1%. Ce dérapage budgétaire est attribué à des recettes fiscales inférieures aux attentes et à une croissance économique moins dynamique que prévu. La gestion de ce déficit élevé pose un sérieux défi pour les années à venir, notamment avec la pression croissante des institutions européennes pour ramener le déficit sous la barre des 3 % d’ici 2027. Cette situation expose la France à de potentielles sanctions sous le cadre de la procédure de déficit excessif de l’Union européenne, ce qui pourrait imposer de sévères mesures d’austérité, affectant encore davantage l’économie et le tissu social du pays.

Une transition écologique en demi-teinte

Sur le plan de l’écologie, Emmanuel Macron a souvent affiché des ambitions élevées, en se présentant notamment comme un défenseur du climat sur la scène internationale. Cependant, les résultats concrets de cette politique restent largement en deçà des attentes.

La mise en place de la Convention citoyenne pour le climat, un exercice de démocratie participative inédit, avait suscité l’espoir d’une avancée significative en matière de transition écologique. Cependant, les propositions de cette Convention ont souvent été édulcorées ou rejetées lors de leur mise en œuvre. Par exemple, la proposition d’une taxe sur les dividendes pour financer la transition écologique a été abandonnée, et les mesures concernant la réduction de la consommation de viande ou la limitation des vols intérieurs ont été largement diluées.

De plus, malgré les annonces ambitieuses, les émissions de gaz à effet de serre de la France n’ont pas diminué à un rythme suffisant pour respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris. Le retard pris dans la transition énergétique, avec une dépendance encore forte aux énergies fossiles, illustre les difficultés du gouvernement à concilier ses ambitions écologiques avec les réalités économiques.

En conclusion, si Emmanuel Macron peut se prévaloir de quelques succès économiques, il est essentiel de ne pas se laisser aveugler par les chiffres bruts et les discours officiels. La croissance économique reste fragile, le chômage est en baisse mais au prix d’une précarisation accrue, les inégalités se creusent, la dette publique s’alourdit, et le déficit budgétaire pourraient atteindre des niveaux alarmants à 5,6 % du PIB. Cette situation budgétaire critique, combinée à une transition écologique encore trop timide, place la France dans une position délicate pour les années à venir.

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