Le transhumanisme est-il la prochaine étape de l’évolution humaine ?

4 août 2024

Souvent perçu comme marginal ou folklorique, le mouvement transhumaniste mérite d’être pris au sérieux. Fondé sur des progrès technologiques indéniables et parfois prometteurs, il capte l’intérêt des firmes les plus puissantes du monde actuel. Selon le politologue Klaus-Gerd Giesen, le transhumanisme pourrait devenir « l’idéologie dominante de la quatrième révolution industrielle ». Cette tendance n’est pas fortuite, comme en témoignent les recrutements de figures emblématiques du transhumanisme par des géants technologiques tels que Google, qui a fondé la Singularity University, et l’entreprise Neuralink d’Elon Musk, qui vise à créer des « cyborgs super-intelligents ».

Une Idéologie puissante et ambitieuse

Le transhumanisme repose sur l’idée d’exploiter les biotechnologies et l’intelligence artificielle pour transcender les limites biologiques humaines, notamment le vieillissement et la mortalité. Cette idéologie propose de réviser en profondeur nos relations sociales et le travail, défiant ainsi l’État-providence et la démocratie. Bien que beaucoup de transhumanistes affichent leur athéisme, certains analystes, comme l’historien Franck Damour, soulignent la dimension quasi religieuse de cette idéologie, qualifiée de « foi séculière » par l’historienne Hava Tirosh-Samuelson.

La pensée transhumaniste se structure autour de l’idée que l’être humain « naturel » est obsolète et doit être amélioré par la technologie. Les transhumanistes valorisent divers progrès technologiques – du génie génétique aux nanotechnologies en passant par l’intelligence artificielle – comme moyens inévitables d’améliorer la condition humaine. Cependant, cette vision soulève des questions éthiques profondes et des inquiétudes quant à l’impact sur la démocratie et l’État de droit. Klaus-Gerd Giesen met en garde contre le danger que représente cette idéologie pour les régulations étatiques et la justice sociale, soulignant l’influence grandissante des géants technologiques de la Silicon Valley, comme Google et Amazon, qui promeuvent activement le transhumanisme.

Les Implications sociales et éthiques

Le transhumanisme propose une vision de l’avenir où les êtres humains seraient biologiquement trop limités pour affronter la complexité croissante du monde. Cette idéologie, souvent teintée de rêves d’immortalité et de résurrection technologique, peut engendrer des inégalités sociales importantes. Certains transhumanistes envisagent un monde où les « cyborgs » regarderaient de haut les humains non augmentés. Un tel avenir poserait des défis immenses pour la démocratie et la justice sociale, perturbant les régulations étatiques et exacerbant les inégalités.

Certains défenseurs du transhumanisme, comme Marc Roux, président de l’Association française de transhumanisme, affirment que le transhumanisme est un humanisme. Ils soulignent que l’objectif n’est pas d’atteindre l’immortalité, mais plutôt une « amortalité » – une vie prolongée en bonne santé. Roux insiste sur l’importance de maintenir des valeurs telles que la dignité humaine, la démocratie et l’égalité sociale. Cependant, cette vision est contestée par d’autres, comme le sociologue Nicolas Le Dévédec, qui considère que le transhumanisme renverse l’idée même d’humanisme en prônant une adaptation technologique plutôt qu’une transformation sociale.

L’avènement du transhumanisme pose des défis éthiques et légaux considérables. La juriste Amandine Cayol souligne que le transhumanisme complique les notions traditionnelles de droit de la personne. Par exemple, si les individus deviennent partiellement ou totalement des cyborgs, comment les lois actuelles s’appliqueront-elles à eux ? De plus, les questions de consentement, de propriété intellectuelle sur les modifications corporelles, et de l’accès équitable à ces technologies deviennent cruciaux. L’éthicien africain Andrédou Pierre Kablan appelle à l’élaboration d’un « nouveau contrat éthique » pour sauvegarder les principes de dignité humaine face à ces transformations radicales.

Les dimensions religieuses et économiques du transhumanisme

Bien qu’il soit souvent promu par des athées, le transhumanisme a des connotations religieuses importantes. L’historien Franck Damour note que nombre de transhumanistes valorisent la dimension quasi religieuse de leur engagement, voyant dans la technologie une voie vers une forme de transcendance. Cette perspective est partagée par divers groupes religieux, y compris les universalistes unitariens, les Mormons transhumanistes et même des associations transhumanistes chrétiennes. Pour certains, le transhumanisme représente une nouvelle forme de gnose, une quête de connaissance et de perfection technologique semblable aux aspirations religieuses traditionnelles.

Le transhumanisme s’inscrit dans le cadre plus large de la quatrième révolution industrielle, caractérisée par l’intégration des technologies numériques, biologiques et physiques. Cette révolution transforme non seulement l’économie et le marché du travail, mais aussi la manière dont nous concevons l’humanité et nos interactions sociales. Les transhumanistes voient ces transformations comme des opportunités pour améliorer la condition humaine, mais ces changements posent également des questions sur la nature même de notre existence et de notre identité. Klaus-Gerd Giesen met en garde contre les dangers potentiels d’une telle évolution, qui pourrait bouleverser les structures sociales et politiques établies.

Nombre de transhumanistes imaginent un futur où les humains augmentés, ou « cyborgs », pourraient dominer les humains non augmentés. Cela pourrait créer une société profondément inégale, où les privilèges technologiques se traduiraient par des avantages économiques et sociaux disproportionnés. Cette vision soulève des préoccupations sur la justice sociale et l’équité, avec le risque que les technologies transhumanistes ne soient accessibles qu’à une élite fortunée. De plus, la capacité des grandes entreprises technologiques à réguler elles-mêmes leurs activités sans intervention étatique pose des questions sur la gouvernance et la responsabilité.

Le transhumanisme soulève des questions cruciales sur l’avenir de l’humanité et l’évolution de nos sociétés. Bien qu’il offre des perspectives fascinantes pour l’amélioration des capacités humaines, il pose également des défis éthiques et sociaux majeurs. En fin de compte, la question demeure : le transhumanisme est-il une étape inévitable de l’évolution humaine ou une utopie dangereuse ? La réponse dépendra en grande partie de notre capacité à encadrer et à réguler ces technologies de manière éthique et équitable. Les discussions sur le transhumanisme doivent être approfondies et inclusives, impliquant non seulement les experts en technologie et les décideurs politiques, mais aussi la société civile, pour s’assurer que les avancées technologiques bénéficient à l’ensemble de l’humanité.

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