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Séries médicales : ce qu’elles ne montrent pas du système de santé américain

26 juillet 2024

Les séries médicales américaines occupent une place prépondérante dans le paysage télévisuel depuis des décennies. Des émissions comme « Grey’s Anatomy », « Chicago Med » ou encore « The Good Doctor » captivent des millions de téléspectateurs avec des histoires dramatiques et des personnages attachants. Cependant, ces séries ne reflètent souvent pas la réalité complexe du système de santé américain.

Divertissement au détriment de la réalité

Les séries télévisées sont principalement conçues pour divertir. Elles visent à captiver l’audience avec des intrigues dramatiques et des personnages attachants, plutôt qu’à offrir une analyse approfondie des systèmes de santé. Pour rendre les séries accessibles, les scénaristes simplifient les détails complexes des programmes de santé et des réglementations. Les problèmes administratifs et les difficultés d’accès aux soins sont rarement explorés en profondeur, ce qui fausse la perception du public concernant la réalité du système de santé.

Les séries médicales américaines mettent souvent l’accent sur les histoires humaines, les relations entre les personnages et les dilemmes moraux. Les questions administratives et les difficultés d’accès aux soins de santé sont parfois évoquées, mais elles ne sont pas le cœur des intrigues. Les créateurs préfèrent se concentrer sur des cas médicaux individuels et des arcs narratifs émotionnels qui résonnent davantage avec les téléspectateurs, négligeant ainsi une analyse plus large et nécessaire des problèmes systémiques.

Les conséquences de la représentation idéalisée

La représentation trompeuse du système de santé peut influencer l’opinion publique, rendant les téléspectateurs moins conscients des véritables défis et réformes nécessaires. Cette ignorance peut affecter les décisions politiques et les débats publics sur les réformes de santé, retardant les changements cruciaux.

Les professionnels de la santé expriment souvent leur frustration face à la manière dont la télévision représente leur métier. Les séries médicales américaines, bien que divertissantes, tendent à dramatiser et simplifier les réalités de la pratique médicale, ce qui peut créer des attentes irréalistes chez les patients et un manque de reconnaissance des défis réels auxquels sont confrontés les soignants. Par exemple, une étude publiée dans le journal Trauma Surgery & Acute Care montre que les téléspectateurs de séries comme « Grey’s Anatomy » peuvent développer une perception irréaliste des événements quotidiens dans les hôpitaux, exacerbant les frustrations des professionnels de la santé face aux attentes des patients​.

En comparant les séries médicales américaines à celles d’autres pays, on constate des différences notables dans la représentation des systèmes de santé. Par exemple, les séries britanniques comme « Casualty » ou « Call the Midwife » abordent plus ouvertement les questions de santé publique et les défis systémiques, offrant ainsi une perspective plus réaliste et critique.

Autre exemple : la série française « Hippocrate » se distingue des séries médicales américaines par son approche réaliste et critique du système de santé. Créée par Thomas Lilti, un ancien médecin, elle expose les défis quotidiens des jeunes médecins dans un hôpital public, confrontés à des ressources limitées, des surcharges de travail et des problèmes systémiques tels que la bureaucratie et les inégalités d’accès aux soins.

Contrairement aux séries américaines souvent idéalisées comme « Grey’s Anatomy » qui se concentrent sur des cas médicaux spectaculaires et des intrigues dramatiques, « Hippocrate » offre une représentation authentique et brute des difficultés réelles du secteur médical. Cette approche met en lumière les effets des contraintes budgétaires et des pénuries de personnel sur la qualité des soins, offrant ainsi une perspective plus fidèle et critique de la réalité hospitalière.

Les séries médicales comme outil de soft power

Les séries médicales américaines ne sont pas seulement des productions de divertissement; elles jouent également un rôle dans le soft power des États-Unis. En véhiculant des valeurs positives et en masquant les réalités négatives, elles contribuent à la diplomatie culturelle et à l’influence globale des États-Unis.

Ces séries sont diffusées dans le monde entier, véhiculant une image de compétence médicale, d’innovation technologique et de dévouement des professionnels de la santé. Elles mettent en avant des valeurs telles que l’héroïsme, la résilience et la capacité à surmonter les défis, renforçant ainsi la perception des États-Unis comme un leader en matière de recherche et d’innovation.

En masquant les aspects négatifs du système de santé américain, ces séries contribuent à une perception idéalisée. Cette approche influence l’opinion publique internationale, renforçant une image positive des États-Unis et minimisant les véritables défis du système de santé.

La diffusion de ces séries dans le monde entier fait partie d’une stratégie de diplomatie culturelle, où les contenus médiatiques sont utilisés pour promouvoir une image positive du pays et influencer les perceptions à l’étranger. Cette approche peut avoir des effets durables sur la manière dont les États-Unis sont perçus globalement.

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La réalité ignorée du système de santé américain

Le système de santé américain est marqué par une grande diversité de programmes sanitaires et sociaux, tant au niveau fédéral qu’à celui des États. Il existe une multitude de programmes d’assurance, comme Medicare et Medicaid, ainsi que des plans de santé privés. Cette diversité crée souvent des lacunes dans la couverture et des problèmes de coordination entre les différents organismes de gestion. De plus, environ 30 millions d’Américains n’ont pas de couverture médicale. Cette réalité est rarement représentée de manière adéquate dans les séries télévisées, qui préfèrent se concentrer sur des cas individuels plutôt que de traiter des problèmes systémiques.

Le système de santé américain consacre 16,8 % de son produit intérieur brut (PIB) à la santé, soit une dépense par habitant de 10 921 dollars en 2019. Cependant, ces dépenses colossales ne se traduisent pas par de meilleurs résultats en matière de santé. L’espérance de vie aux États-Unis est parmi les plus faibles des pays de l’OCDE, se situant à 73,3 ans et ayant même baissé pendant la pandémie de Covid-19. Cette situation paradoxale, où l’excellence en recherche et innovation côtoie une inégalité criante dans l’accès aux soins, s’explique par la complexité et le manque de coordination du système de santé.

Les coûts des soins de santé continuent d’augmenter, avec une projection de dépenses totales atteignant 4900 milliards de dollars en 2024. Cette hausse est exacerbée par des facteurs tels que l’inflation, les pénuries de main-d’œuvre, et les coûts croissants des médicaments sur ordonnance. La structure complexe des prix et des remboursements dans le secteur pharmaceutique ajoute une couche supplémentaire de confusion et de coûts élevés pour les patients.

La pénurie de personnel de santé est un autre défi majeur. Le pays pourrait faire face à une pénurie de 200 000 à 450 000 infirmières d’ici 2025, ce qui met une pression supplémentaire sur les systèmes de santé. Cette pénurie est aggravée par les départs à la retraite et les conditions de travail difficiles qui poussent de nombreux professionnels à quitter la profession.

Les systèmes de santé se dirigent de plus en plus vers des modèles de soins basés sur la valeur (Value-Based Care, VBC), qui se concentrent sur les résultats des patients plutôt que sur le volume de services fournis. Cette transition nécessite des investissements importants en technologie et en gestion des risques, mais elle pourrait améliorer l’efficacité et réduire les coûts à long terme.

Des efforts sont en cours pour contrôler les coûts de santé au niveau des États, avec des initiatives telles que les budgets hospitaliers globaux et les stratégies de contrôle des coûts. Cependant, la complexité du système et les variations entre les régulations fédérales et étatiques rendent ces efforts difficiles à harmoniser à l’échelle nationale.

En fin de compte, les séries médicales américaines sont avant tout des productions de divertissement. Bien qu’elles incluent des éléments de la réalité du système de santé, elles sont principalement conçues pour captiver et divertir. Cette simplification permet d’attirer un large public, mais au détriment de l’exactitude et de la profondeur de la représentation. En tant qu’outil de soft power, elles véhiculent une image positive des États-Unis, influençant la perception publique et minimisant les véritables défis du système de santé américain.

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