@ CNews

Réseau Atlas : une influence grandissante sur l’extrême-droite en France

31 mai 2024

Depuis sa création en 1981 par Antony Fisher, l’Atlas Network est devenu un acteur majeur dans la diffusion des idées libertariennes et ultraconservatrices à travers le monde. Basé à Arlington, en Virginie, ce réseau regroupe aujourd’hui 589 partenaires répartis dans 103 pays, avec un budget annuel de 28 millions de dollars. En France, l’influence de ce réseau se fait de plus en plus sentir, comme l’indique le récent rapport pour l’Observatoire des multinationales, notamment à travers ses partenaires locaux tels que la Fondation Ifrap, Contribuables Associés et l’Institut de formation politique (IFP).

L’Atlas Network trouve ses racines dans les préoccupations idéologiques d’Antony Fisher, un homme d’affaires britannique influencé par l’économiste Friedrich Hayek. Ce dernier, fondateur de la Société du Mont Pèlerin en 1947, prônait une opposition radicale au socialisme, un idéal de laissez-faire économique, et une méfiance envers la démocratie, vue comme une menace potentielle de dérive vers la dictature par la planification économique. Fisher, suivant les conseils de Hayek, choisit d’influencer l’opinion publique plutôt que de s’engager directement en politique. Il crée l’Institut des affaires économiques (IEA) en 1955 à Londres, avec pour mission de promouvoir l’idéologie libertarienne.

Encouragé par le succès de l’IEA et son rôle reconnu dans l’élection de Margaret Thatcher en 1979, Fisher fonde l’Atlas Network en 1981. Le réseau se donne pour mission de soutenir et de développer des think tanks libertariens partout dans le monde. En mobilisant des financements privés provenant de grandes entreprises, de fondations et de riches particuliers, Fisher parvient à étendre rapidement l’influence d’Atlas. Aujourd’hui, l’Europe et l’Asie centrale représentent la deuxième plus importante zone d’investissement du réseau, avec 157 organisations partenaires bénéficiant de formations, réseaux, prix et financements.

Le réseau Atlas est soutenu par des fonds privés provenant de riches industriels et de grandes entreprises telles que Chevron, Shell, et Texaco. Parmi les principaux financiers figurent également les frères Koch, connus pour leur activisme politique en faveur du libre marché et contre les régulations environnementales. Les financements provenant de ces acteurs permettent à Atlas de rester discret sur ses liens avec le milieu des affaires, tout en influençant significativement les politiques publiques.

Pour imposer leurs idées, les partenaires du réseau Atlas utilisent diverses stratégies d’influence, souvent proches de la manipulation. Parmi ces techniques figurent la « chambre d’écho » et la « fenêtre d’Overton ».

La « chambre d’écho » est une technique qui consiste à créer une apparence de soutien massif pour une idée en la faisant résonner à travers de multiples canaux. Par exemple, plusieurs organisations du réseau Atlas peuvent publier des rapports similaires, donner des interviews aux médias, et organiser des événements sur le même sujet. Cette multiplicité de voix donne l’impression d’un large consensus alors qu’il s’agit en réalité d’un petit groupe coordonné.

La « fenêtre d’Overton », quant à elle, est une stratégie visant à élargir le spectre des idées acceptables dans le débat public. En introduisant progressivement des idées controversées, les think tanks du réseau Atlas parviennent à rendre ces idées plus acceptables et à influencer les politiques publiques. Par exemple, en donnant une plateforme aux climato-sceptiques, ils réussissent à remettre en question le consensus scientifique sur le changement climatique.

Les think tanks du réseau Atlas se présentent souvent comme des sources d’expertise indépendante. Cependant, leurs analyses et rapports sont fréquemment biaisés et visent à promouvoir des intérêts spécifiques. De nombreux experts affiliés au réseau Atlas n’ont pas de qualifications dans les domaines qu’ils commentent. Par exemple, Jeff Stier, un juriste sans expertise en santé publique, est souvent cité sur des questions liées au tabagisme et à la cigarette électronique.

Pour toucher un large public, les partenaires du réseau Atlas simplifient leurs messages à l’extrême. L’objectif est de créer des slogans percutants et des vidéos virales qui peuvent être facilement diffusées sur les réseaux sociaux. Par exemple, le réseau Atlas décerne chaque année un prix, le « Lights, Camera, Liberty Film Festival Award », pour récompenser le film qui a eu le plus d’impact avec un message efficace.

La France pas épargnée

En France, l’influence du réseau Atlas s’est intensifiée depuis les années 2010. Les partenaires français du réseau, tels que la Fondation Ifrap, Contribuables Associés, et l’Institut de formation politique (IFP), jouent un rôle clé dans la diffusion des idées libertariennes et ultraconservatrices. Ces organisations, souvent liées à des milieux d’affaires et à des cercles politiques d’extrême-droite, bénéficient de formations et de soutiens du réseau américain pour mener leur bataille culturelle.

Fondée par un grand donateur de la Heritage Foundation proche de l’extrême-droite, la Fondation Ifrap se présente comme un think tank indépendant, mais ses liens avec des grandes fortunes et des hommes d’affaires fortunés révèlent ses véritables intérêts. La porte-parole de l’Ifrap, Agnès Verdier-Molinié, formée auprès de think tanks américains, défend aujourd’hui les intérêts des plus riches, avec un conseil d’administration dominé par de grandes fortunes.

La Fondation Ifrap utilise des stratégies de communication sophistiquées pour influencer l’opinion publique et les décideurs politiques en France. En publiant des rapports et en organisant des conférences, elle parvient à se positionner comme une source crédible d’expertise économique. Cependant, ses analyses sont souvent biaisées en faveur des intérêts des entreprises et des plus riches.

Agnès Verdier-Molinié sur le plateau du journal L’Opinion

De son côté, Contribuables Associés – qui revendique 350 0000 membres – utilise des campagnes de marketing direct pour mobiliser le soutien populaire. En envoyant des lettres et des courriels alarmistes sur les dépenses publiques et les impôts, l’organisation parvient à susciter l’indignation et à rallier des soutiens à ses causes. Cependant, ses dirigeants sont souvent issus de milieux politiques et d’affaires, ce qui soulève des questions sur leur véritable indépendance.

Enfin, l’Institut de Formation Politique joue un rôle majeur dans la formation des jeunes conservateurs en France. Sur le modèle du Leadership Institute aux États-Unis, il forme des centaines de jeunes militants, qui se retrouvent ensuite dans les sphères politiques, associatives et médiatiques. Fondé par Alexandre Pesey, l’IFP aspire à un rapprochement des droites pour « défendre la France » et diffuse un discours de guerre des civilisations.

L’IFP organise des séminaires et des ateliers pour former la prochaine génération de leaders conservateurs en France. Ces formations couvrent une variété de sujets, allant des stratégies de campagne électorale à la communication médiatique. L’objectif est de préparer ces jeunes militants à occuper des postes influents dans la politique, les médias et la société civile.

Le réseau Atlas, bien que relativement discret, exerce une influence croissante à travers le monde et particulièrement en France. En dévoilant les liens entre ses partenaires français et le réseau américain, ainsi que les méthodes et les soutiens financiers qui les animent, il devient clair que ce mouvement représente des intérêts spécifiques, souvent ceux des plus riches et des grandes entreprises. Le réseau Atlas s’efforce de modeler le débat public et les décisions politiques en utilisant des stratégies d’influence sophistiquées, des campagnes de désinformation et des méthodes de lobbying.

La montée en puissance de ces organisations dans le débat public et politique français soulève des questions cruciales sur l’avenir de la démocratie et de la régulation étatique face aux intérêts privés des plus riches. Le réseau Atlas, en promouvant des politiques de dérégulation et en s’alliant avec des mouvements ultraconservateurs, contribue à l’extrême-droitisation des esprits et à l’affaiblissement des mécanismes de solidarité collective.

Face à ces enjeux, il est essentiel de rester vigilant et d’examiner de près les influences et les financements derrière ces think tanks. Comprendre les dynamiques du réseau Atlas et ses méthodes permet de mieux appréhender les défis posés à la démocratie et aux valeurs républicaines en France. Il est crucial de maintenir un débat public informé et transparent pour contrer les tentatives de manipulation idéologique et préserver les principes d’égalité et de justice sociale.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

HISTOIRE PRECEDENTE

Donald Trump déclaré coupable : un séisme juridique et politique

HISTOIRE SUIVANTE

Le jour ou Mark Zuckerberg a abandonné le metaverse

Latest from Radicaloscope