Une bactérie mutante menace l’ISS et la santé des astronautes

30 avril 2024

La Station Spatiale Internationale (ISS), perchée à plus de 400 kilomètres au-dessus de la Terre, offre un laboratoire unique pour les scientifiques, explorant les mystères de l’univers et les effets de l’espace sur divers phénomènes. Cependant, cette avancée technologique n’est pas sans risques : des chercheurs ont découvert des souches mutantes de la bactérie Enterobacter bugandensis, résistantes aux médicaments, à bord de l’ISS. Ces micro-organismes, adaptés à l’environnement extrême de l’espace, posent un risque sérieux pour la santé des astronautes, défiant les protocoles médicaux existants et soulignant l’urgence de développer de nouvelles stratégies pour combattre les infections dans des conditions de microgravité.

Contexte et découverte

Enterobacter bugandensis est une espèce de bactérie qui, sur Terre, est souvent associée à des infections nosocomiales, particulièrement chez les patients immunodéprimés. Ce qui la rend particulièrement redoutable, c’est sa résistance à plusieurs classes d’antibiotiques, notamment ceux utilisés comme derniers recours dans le traitement des infections bactériennes graves. Cette résistance pose un défi majeur dans les hôpitaux et autres établissements de soins, mais la découverte de ses souches dans un environnement aussi isolé et contrôlé que l’ISS a soulevé des inquiétudes supplémentaires sur la gestion de la santé dans l’espace.

La découverte de cette bactérie sur l’ISS ne fut pas un incident isolé. Ces bactéries ont été identifiées pour la première fois dans le cadre de la mission Microbial Tracking-1, un projet de la NASA visant à cataloguer et à comprendre la microflore présente dans l’environnement intérieur de la station spatiale. Le processus d’identification a débuté par des prélèvements réguliers sur diverses surfaces fréquemment utilisées par les membres de l’équipage, telles que les poignées de porte, les panneaux de contrôle, et les équipements d’entraînement, ainsi que dans les zones moins accessibles comme les filtres à air et les systèmes de recyclage de l’eau.

Les échantillons collectés ont été envoyés sur Terre pour une analyse plus approfondie, où des techniques avancées de séquençage génétique ont été utilisées pour déterminer non seulement les espèces de bactéries présentes, mais aussi pour identifier des mutations spécifiques qui pourraient s’être développées en réponse aux conditions uniques de l’ISS. Les analyses ont révélé que les souches d’E. bugandensis isolées de l’ISS avaient muté, devenant génétiquement et fonctionnellement distinctes de leurs homologues terrestres.

Impact et Implications

Les souches de Enterobacter bugandensis isolées sur la Station Spatiale Internationale (ISS) ont démontré une adaptation remarquable à un environnement extrême, se distinguant de leurs homologues terrestres à travers des mutations génétiques significatives. Ces modifications génomiques sont probablement des réponses aux défis uniques de l’espace, tels que la microgravité et l’exposition aux radiations spatiales, qui peuvent induire des mutations à un taux plus élevé qu’au niveau de la surface terrestre. Ces changements peuvent affecter la fonctionnalité des bactéries, leur permettant de résister à des antibiotiques puissants et d’exploiter les ressources limitées de l’ISS de manière plus efficace.

L’analyse de ces mutations a permis aux chercheurs de mieux comprendre comment E. bugandensis modifie son métabolisme et ses structures cellulaires pour survivre et se reproduire dans des conditions non rencontrées sur Terre. Cela inclut des adaptations qui pourraient augmenter leur capacité à former des biofilms, des communautés multicellulaires qui peuvent protéger les bactéries contre des environnements hostiles et faciliter leur persistance sur des surfaces diverses à bord de l’ISS.

Le comportement coopératif ou compétitif entre E. bugandensis et d’autres microorganismes à bord de l’ISS est également un domaine d’étude crucial. La capacité de cette bactérie à coexister avec d’autres espèces pourrait être doublement significative. D’une part, elle peut contribuer à la stabilité de l’écosystème microbien de la station, et d’autre part, elle pourrait influencer la survie et le comportement d’autres micro-organismes, y compris des pathogènes potentiels. Par exemple, E. bugandensis pourrait aider certains microorganismes à résister aux stress de l’espace, amplifiant potentiellement des traits pathogènes ou de résistance aux antibiotiques chez d’autres bactéries.

La présence accrue de souches résistantes d’E. bugandensis sur l’ISS soulève des préoccupations sérieuses quant à la santé des astronautes. Les infections causées par des pathogènes résistants aux médicaments pourraient se révéler extrêmement difficiles à traiter, surtout dans un environnement où les options médicales sont limitées. Les infections respiratoires, urinaires, ou les septicémies potentielles représentent des risques critiques qui pourraient compromettre non seulement la santé individuelle des membres d’équipage mais également la réussite des missions spatiales, en particulier lors de missions de longue durée comme celles envisagées pour Mars.

Les implications de la découverte et de l’étude des mutations de E. bugandensis s’étendent bien au-delà des considérations immédiates de la santé des astronautes. Elles mettent en lumière la nécessité de développer des stratégies avancées de gestion des risques microbiens pour les futures missions spatiales. Cela pourrait inclure le développement de nouveaux antimicrobiens spécifiquement conçus pour l’espace, des protocoles de désinfection améliorés, et peut-être même des modifications de la conception des habitats spatiaux pour minimiser les risques de contamination et de propagation microbienne.

Réponses et stratégies

Face à la menace croissante de bactéries résistantes aux médicaments sur la Station Spatiale Internationale (ISS), la NASA, en collaboration avec d’autres agences spatiales internationales, a mis en place des protocoles rigoureux pour gérer et prévenir la contamination. Ces mesures comprennent l’amélioration des procédures de stérilisation des équipements avant leur envoi dans l’espace, ainsi que le suivi régulier de la qualité de l’air et des surfaces à bord de l’ISS. Des échantillons microbiens sont régulièrement collectés et analysés pour surveiller la présence et la prolifération de pathogènes résistants.

En outre, les astronautes sont formés aux pratiques d’hygiène strictes, et des systèmes de filtration de l’air avancés sont utilisés pour réduire la présence de particules potentiellement infectieuses. Ces filtres sont conçus pour capturer une grande variété de contaminants microbiens, minimisant ainsi le risque de maladies infectieuses à bord.

Pour lutter contre les risques de contamination microbienne sur la Station Spatiale Internationale (ISS), des revêtements antimicrobiens ont été appliqués à l’intérieur de la station. Ces revêtements, constitués de matériaux qui libèrent des ions argent ou cuivre, ont la capacité d’inhiber la croissance et la colonisation bactérienne. Ces ions sont reconnus pour leurs propriétés antibactériennes et sont utilisés pour traiter diverses surfaces où les bactéries sont susceptibles de se développer, offrant ainsi une barrière supplémentaire contre la propagation de micro-organismes potentiellement dangereux.

En complément des revêtements antimicrobiens, la NASA a également intégré l’utilisation de la lumière ultraviolette (UV) pour stériliser l’air et les surfaces à bord de l’ISS. Le rayonnement UV a la propriété de détruire l’ADN bactérien et de prévenir efficacement la reproduction des microorganismes. Cette technologie est particulièrement utile dans des zones où l’hygiène est primordiale, comme les zones de préparation des aliments et les sanitaires, contribuant significativement à maintenir un environnement stérile et sécurisé pour les astronautes.

La recherche sur de nouveaux biocides, à la fois non toxiques et hautement efficaces, est en cours pour assurer une désinfection améliorée dans l’environnement spatial. Ces biocides sont spécialement formulés pour être utilisés dans l’air ou sur les surfaces sans compromettre la santé des astronautes ni l’intégrité des équipements sensibles. Leur utilisation vise à éradiquer les bactéries résistantes qui pourraient échapper aux autres méthodes de contrôle, assurant ainsi une protection accrue contre les infections.

Pour atteindre les recoins moins accessibles de la station, des robots équipés de systèmes de désinfection ont été déployés. Ces robots automatisés peuvent naviguer à travers la station pour nettoyer régulièrement des zones que les astronautes ne peuvent atteindre facilement, garantissant une couverture plus complète et réduisant la charge de travail des membres de l’équipage. Ces systèmes robotisés représentent une avancée significative dans la maintenance de la propreté et de l’hygiène à bord de l’ISS.

Enfin, les études continues sur le génome des bactéries isolées de l’ISS sont essentielles pour comprendre comment ces organismes s’adaptent à l’environnement unique de l’espace. En déchiffrant les secrets de leur résilience et de leur adaptation, les chercheurs espèrent développer des stratégies ciblées pour contrer spécifiquement les pathogènes résistants. Ces recherches pourraient aboutir à la création de nouvelles thérapies ou de mesures de prévention adaptées aux conditions extrêmes rencontrées lors des missions spatiales prolongées.

Comparaisons et précédents

La découverte d’Enterobacter bugandensis sur la Station Spatiale Internationale (ISS) n’est pas un cas isolé de bactéries adaptées à l’environnement spatial. Des précédents comme Solibacillus kalamii et Methylobacterium indicum illustrent la variété et l’adaptabilité des microorganismes dans cet habitat extrême.

Solibacillus kalamii, détecté pour la première fois en 2011, a été isolé dans l’un des filtres de purification d’air de la station. Cette bactérie, inconnue sur Terre avant sa découverte sur l’ISS, n’a pas montré de signes de pathogénicité et a surtout intrigué les scientifiques par son origine mystérieuse et sa capacité de survie dans un environnement si hostile.

Methylobacterium indicum, identifié lors d’une autre mission, s’est révélé également adaptatif aux conditions de l’ISS. Cette bactérie, connue pour sa capacité à survivre dans des environnements divers et à protéger les plantes contre certaines maladies, a suscité un intérêt pour ses implications potentielles dans le développement de l’agriculture spatiale.

Comparativement à ces deux bactéries, Enterobacter bugandensis représente une préoccupation différente en raison de sa résistance multiple aux antibiotiques et de son potentiel pathogène. Alors qu’elles peuvent offrir des perspectives sur la survie et l’adaptation en environnement extrême sans représenter un danger immédiat pour la santé humaine, E. bugandensis pose un risque direct pour les astronautes à bord de l’ISS en raison de sa capacité à causer des infections.

Les trois cas témoignent de la capacité remarquable des bactéries à s’adapter aux conditions uniques de l’ISS. Cependant, les implications pour la santé humaine et la sécurité des missions spatiales varient considérablement. Tandis que Solibacillus kalamii et Methylobacterium indicum pourraient enrichir notre compréhension de la biologie spatiale avec peu ou pas de risques, E. bugandensis nécessite des mesures rigoureuses de surveillance et de contrôle en raison de son potentiel infectieux et de sa résistance aux traitements.

La comparaison entre ces différents microorganismes souligne l’importance de la surveillance continue de l’environnement microbien de l’ISS pour prévenir les risques pour la santé des astronautes. Elle met également en évidence le besoin d’approfondir les recherches sur les mécanismes d’adaptation des bactéries à l’espace, ce qui pourrait éventuellement conduire à de meilleures stratégies de gestion des risques biologiques dans les missions spatiales prolongées. Ces études sont cruciales non seulement pour garantir la sécurité des équipages mais aussi pour préparer les futures explorations où les interactions avec des microorganismes inconnus pourraient être plus fréquentes et potentiellement plus risquées.

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