La récente proposition de dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron pourrait bien représenter un suicide politique pour le Président et marquer la fin du macronisme. Ce mouvement, qui a vu le jour avec l’élection de Macron en 2017, promettait de rompre avec les clivages traditionnels et de moderniser la France. Aujourd’hui, cette dissolution, envisagée pour surmonter l’impasse politique avec une Assemblée nationale divisée, a scellé le destin d’Emmanuel Macron et de son approche centriste.
La dissolution, une manoeuvre désespérée
L’élection d’Emmanuel Macron en 2017 a été saluée comme une bouffée d’air frais dans un paysage politique français embourbé dans l’alternance gauche-droite. Le macronisme a émergé avec une vision de réformes libérales et de pragmatisme politique. Cependant, ce mouvement a rapidement été mis à l’épreuve par une série de crises internes. Les manifestations des Gilets jaunes, les grèves massives contre les réformes des retraites et les controverses autour des politiques sociales ont érodé la confiance et le soutien populaire. Face à une Assemblée nationale de plus en plus hostile, la dissolution apparaît comme une manœuvre désespérée pour Macron, cherchant à reprendre le contrôle.
L’histoire politique offre plusieurs exemples où la dissolution du Parlement a conduit à des conséquences inattendues, souvent désastreuses. Prenons le cas de Charles de Gaulle en 1962. Confronté à une opposition féroce à son projet de réforme constitutionnelle, De Gaulle a dissous l’Assemblée nationale, misant sur un soutien populaire renforcé pour faire passer ses réformes. Bien que sa manœuvre ait initialement réussi, consolidant son pouvoir, elle a également amplifié les tensions qui ont conduit aux événements de Mai 1968, marquant le début de la fin de son leadership. La dissolution, loin de résoudre les problèmes politiques, a en fait précipité une crise profonde.
Un autre exemple pertinent est celui de Stanley Baldwin, Premier ministre britannique, en 1923. Il a dissous le Parlement pour obtenir un mandat sur les tarifs douaniers protecteurs, espérant ainsi renforcer sa position. Mais cette décision s’est avérée être un échec retentissant. Les élections qui ont suivi ont entraîné une défaite pour Baldwin, démontrant que la dissolution peut facilement se retourner contre ceux qui la déclenchent. La dissolution mal calculée de Baldwin rappelle que des manœuvres audacieuses peuvent se solder par des pertes de pouvoir inattendues.
L’exemple de Jacques Chirac en 1997 est aussi particulièrement éclairant. Chirac a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale pour obtenir une majorité plus large et plus stable, espérant ainsi faciliter ses réformes économiques et sociales. Cependant, cette décision a entraîné une victoire inattendue de la gauche, dirigée par Lionel Jospin, conduisant à une cohabitation affaiblissant considérablement la présidence de Chirac. Cette dissolution mal calculée a exposé la fragilité politique de Chirac et a compromis sa capacité à mettre en œuvre son programme, démontrant que même les dirigeants expérimentés peuvent échouer à anticiper les conséquences de leurs décisions stratégiques.
Enfin, en 2000, Jean Chrétien, Premier ministre du Canada, a également utilisé la dissolution comme un outil pour asseoir son autorité et obtenir un troisième mandat. Bien qu’il ait remporté les élections, cette dissolution a exacerbé les divisions internes au sein de son parti, les Libéraux, affaiblissant leur cohésion et ouvrant la voie à des scissions internes. Ce cas illustre comment la dissolution peut générer des tensions internes qui compromettent la stabilité politique à long terme.
Le Facteur Psychologique du suicide politique
Au-delà des considérations politiques et stratégiques, la décision de dissoudre l’Assemblée nationale peut aussi être comprise à travers une perspective psychologique. Emmanuel Macron, depuis son élection, a incarné une vision de renouveau et de changement. Il a construit son image sur l’idée d’être un réformateur capable de surmonter les résistances. Mais face à une impasse politique et à une opposition croissante, la dissolution pourrait représenter une réaction psychologique face à une perte de contrôle.
Selon les théories psychologiques, des figures de pouvoir, lorsqu’elles sont confrontées à des situations perçues comme des menaces à leur autorité ou à leur identité, peuvent adopter des comportements autodestructeurs. Cette dynamique est souvent qualifiée de « comportement de surcompensation ». En cherchant à imposer sa volonté par la dissolution, Macron pourrait inconsciemment se diriger vers une situation où la défaite est presque inévitable, espérant prouver sa détermination et sa capacité à agir malgré l’adversité.
Ce comportement est également influencé par ce que les psychologues appellent la « réactance psychologique ». Lorsqu’une personne sent que ses choix sont limités ou que son autonomie est menacée, elle peut réagir de manière exagérée pour affirmer sa liberté, même si cela conduit à des décisions irrationnelles ou autodestructrices. Pour Macron, la dissolution peut être vue comme une tentative de réaffirmer son pouvoir face à une Assemblée nationale qui entrave sa capacité à gouverner, même si cette décision risque de compromettre gravement son autorité.
Pour Macron, la dissolution pourrait donc être un pari risqué. Si elle échoue à produire l’effet désiré, elle pourrait non seulement renforcer les factions opposées mais aussi entamer de manière significative la légitimité du Président. Une Assemblée nouvellement élu pourrait se montrer encore plus fragmenté et difficile à contrôler, accentuant la polarisation politique et rendant la gouvernance encore plus ardue. L’histoire montre que ces tentatives de renforcer l’autorité à travers des dissolutions ont souvent des conséquences imprévues, et la position de Macron pourrait s’en trouver gravement affaiblie.
Les sondages : un avertissement implacable
Les sondages récents indiquent que le timing de la dissolution pourrait difficilement être pire pour Emmanuel Macron et son camp. À l’approche des législatives prévues les 30 juin et 7 juillet prochains, les sondages sont préoccupants pour le camp présidentiel. Selon les dernières enquêtes de l’IFOP et Harris Interactive, la popularité de Macron et de sa majorité présidentielle est en déclin. Seuls 28% des Français approuvent la politique de Macron, et les projections montrent que les forces d’opposition, en particulier le Rassemblement National et le Nouveau front populaire, pourraient remporter une majorité significative de sièges au détriment de la Renaissance et de ses alliés.
Les sondages prévoient une montée en puissance de l’opposition, qui pourrait exploiter l’impopularité des réformes proposées par le Président et les frustrations croissantes envers la gestion des crises économiques et sociales. Cette situation rend la dissolution d’autant plus risquée, car elle pourrait transformer l’élection en un référendum sur la présidence de Macron, menaçant encore davantage sa capacité à gouverner.